jeudi, mars 22, 2012

J't'en foutrais,moi, des premiers secours !!!


Ce midi, p'tite pause déjeuner sur le port, côté écluse.
Y fait un temps superbe, la mer est haute.
Que du bonheur...

Alors que je finis de touiller mon pâté sur mon pain, la cloche de l'écluse du port sonne.

Bon, je suis pas mieux qu'un autre, hein.
Non, non. N'insiste pas, je ne suis pas l'homme sans défaut que tu imagine, Ami Lecteur.
Par exemple, une cloche sonne : ben je vais voir.
Je sais pourquoi ça sonne, je sais que l'écluse va fermer. Mais je vais voir.
On sait jamais...
Après tout, c'est louche, cette cloche qui sonne.

Bref, me voilà planté devant mon écluse, avec tout un groupe d'hommes moyens, aussi curieux que moi ("Oh, l'écluse ! On veut voooooiiiirrrrr, on veut voooooirrrrr!") .

Mastiquant mon sandwich avec application, je regarde d'un air blasé l'écluse qui se ferme.
Peuh ! J'en ai déjà vu, hein.
Moi, je suis venu à cause de la cloche. L'écluse, je connais.

Un type me souhaite bon appetit, en mangeant lui aussi un sandwich.
 Je lui crachouille un "merchi! vous ôchi!" tout plein de miettes.

C'est alors que mon comparse et moi voyons du coin de l'oeil un truc bizarre emporté par le flux de l'écluse qui se ferme...

Merde, mais c'est une main !!!

Y'a une main qui dépasse de l'eau, les doigts pointés vers le ciel serrant à moitié un morceau de corde , on devine aussi la paume et le reste du bras sous l'eau !
Comme le requin des dents de la mer, sauf que l'aileron, c'est des doigts qui tiennent une corde...

On se regarde, mon copain de sandwich et moi, ahuris, du pain plein la bouche.
"-euh... ch'est pas une main, là ?"
- ben chi...
- merde, mais ch'est quelqu'un !
- on dirait, non ?
- on appelle du secours, ou on saute le chercher ?
- ben...il va vachement vite avec le courant. Vous courrez à la capitainerie, et j'essaie de le chopper au bout de la digue, ok ?"

Ni une, ni deux, je courre à la digue et commence à descendre les cailloux glissants jusqu'au niveau de l'eau, pendant que mon brave compagnon s'engouffre dans la capitainerie.

Les autres gars sur l'écluse n'ont pas l'air d'avoir compris ou même vu quoique ce soit.
Quels cons !

Bordel, je vais finir à la flotte, c'est sûr.
Chiotte ! Et puis, la main dérive maintenant vers le centre du chenal, trop loin pour choper le corps...
Rhâââ ! P'tain, va falloir se mouiller ! :-(

Une seconde...
Elle dérive vachement vite, la main....
Euh..Pourquoi, elle va aussi vite, d'ailleurs ?

Mon compagnon arrive en courant, avec le gars de la capitainerie.

Et la main, balottée par les derniers remous du flux de l'écluse qui se ferme, sort la paume de l'eau, puis se met à plat en laissant échapper de grosses bulles...
Bloub, bloub !

Et nous admirons, moi de près, et mon copain sauveteur de plus haut, passer un magnifique gant de pêcheur rose, montant au moins jusqu'au coude, tout gonflé d'air, et maintenu à moitié sous l'eau par le poids d'un bout de grosse corde...

la mano del diablo...
Regard soulagé puis amusé du type de la capitainerie.

Echange de sourires péteux.
"-bon, il a l'air déjà mort.
- on dirait. Y bouge plus...
- C'est sans doute un anglais.
- ou un parisien...
- Bon, comment je remonte, moi ?"

S'ensuit une énorme crise de rire...
Une fois remonté, on finit, mon pote de sandwich et moi, par immortaliser chacun avec notre portable, le gant, qui s'enfuit vers le large.


J'imagine la scène du côté des autres gens sur l'écluse :
Alors que l'écluse se ferme, deux gars pris de panique, sans doute à cause du son de la cloche, s'enfuient en courant.
L'un va se planquer dans la capitainerie, pendant que l'autre, visiblement plus atteint que le premier, décide de se barrer en Angleterre à la nage.
Problème, il ne semble pas savoir nager, et hésite à foutre un pied dans l'eau, après avoir pourtant fait le plus dur, à savoir descendu la digue jusqu'à raz de la flotte.
Le gars de la capitainerie sort en trombe, accompagné par le premier, sans doute pour essayer de le raisonner.
Arrivés près du forcené, ils regardent tous ensemble le milieu du chenal.
Le gars de la capitainerie doit sans doute lui dire que l'Angleterre c'est super loin, que dans l'eau y meule sévère, et qu'il a vraiment l'air d'un con, le cul perché au dessus de la flotte, et qu'il ferait sans doute mieux de remonter avant de finir à la baille pour de bon.


Les deux types, visiblement complétement cinglés, éclatent de rire avec le gars de la capitainerie, et le taré le plus proche de l'eau entreprend une remontée extrêmement périlleuse, aidé par les deux autres.
Faut dire qu'il a l'air tout sauf souple, pis y doit faire largement le quintal, alors...
Finalement remonté, de retour à l'écluse, le type sort alors un portable, et prend des photos du chenal, avec son collègue.
Y'a de ces tarés, sur les ports...
Tssss...


Ami Lecteur, si un jour tu croise notre gant rose, sur des rivages lointains, qui sait, raconte-lui mon histoire, et dis-lui bien que c'est un enfoiré de gant, et qu'il n'aura qu'à couler la prochaine fois, je resterai sur le bord à lui jeter des cailloux...

;-D


Aucun commentaire: